mardi 28 juin 2016

Pedro Barrientos Núñez, ex-lieutenant de Pinochet reconnu coupable du meurtre de Víctor Jara

Pedro Barrientos Núñez, ancien officier de l’armée chilienne devant la Cour fédérale de l’état de Floride, aux États-Unis. L’assassin du célèbre chanteur Víctor Jara a nié le meurtre pendant 43 ans, comme tous les militaires criminels qui ont torturé et massacré des civils sans défense sous la dictature. Photo Ap.
Un jury fédéral américain d’Orlando a reconnu Pedro Pablo Barrientos Núñez, un ancien officier chilien, coupable du meurtre du chanteur Víctor Jara en septembre 1973, dans la foulée du coup d'État du général Augusto Pinochet, et l'a condamné à verser 28 millions de dollars à la famille du musicien.

VíctorJara, militant du Parti communiste chilien, chanteur-compositeur —auteur de chansons emblématiques comme « Te recuerdo Amanda » ou « El derecho de vivir en paz » —, était l'un des soutiens du président Salvador Allende renversé lors du coup d'État fomenté par la CIA.
Avec environ 5000 autres prisonniers politiques arrêtés dans des rafles massives après le putsch, Víctor Jara fut interné dans un grand stade de Santiago qui aujourd'hui porte son nom. Là, il fut interrogé, violemment tabassé et torturé, avant d'être abattu à la mitraillette.

Pedro Pablo Barrientos Núñez, qui vit aux États-Unis depuis 1989 après avoir fui le Chili à la fin de la dictature Pinochet, était en 1973 un lieutenant de 24 ans assigné à la surveillance des prisonniers dans le stade.

Un témoin, à l'époque appelé du contingent, a affirmé dans une déposition enregistrée sur vidéo avoir entendu Barrientos dire à un tiers qu'il était l'auteur des tirs fatals contre Víctor Jara.
Pedro Barrientos, aujourd'hui âgé de 67 ans, est resté de marbre dans la salle d'audience à l'énoncé du verdict, se refusant ensuite à tout commentaire auprès des journalistes. Son avocat a expliqué qu'il explorerait les possibilités de faire appel.

La veuve du chanteur Joan Turner, 88 ans, et ses filles Manuela et Amanda étaient heureuses et en larmes. « Aujourd'hui, c'était pour Víctor. C'était le premier signe de justice dans cette affaire et ça c'est produit ici aux États-Unis », a déclaré la veuve de l'artiste, dont l'œuvre a inspiré d'innombrables musiciens comme U2 et Bob Dylan.

L'ONG américaine Center for Justice and Accountability (CJA), qui a initié le procès au nom de la famille Jara, s'est dite satisfaite du verdict. « Nous espérons que le gouvernement américain prendra acte de la demande d'extradition formulée par le gouvernement chilien », a déclaré Kathy Roberts, une avocate du CJA.

Les autorités américaines n'ont pour le moment pas répondu à cette demande du Chili, où des poursuites pénales ont été lancées contre Pedro Barrientos. Ce verdict du lundi 27 juin pourrait aussi remettre en question sa citoyenneté américaine, si les autorités estiment qu'il a menti dans son formulaire d'immigration.