lundi 8 décembre 2014

Pedro Marín Hernández, médecin de la résistance chilienne et ancien combattant internationaliste est parti

Pedro Marín Hernández, médecin militaire très aimé
de ses anciens compagnons internationalistes et des
combattants de la longue lutte contre la dictature de
Pinochet. Son départ inopiné a laissé un énorme vide.
Le 6 décembre 2014 est parti le docteur Pedro Marín Hernández, médecin chilien qui avait milité dans les rangs de la résistance à la dictature de Pinochet et aussi ancien combattant internationaliste au Nicaragua.

Il avait voyagé avec le premier groupe de jeunes chiliens accueillis à l’université cubaine en 1972, et faisait partie de la première génération d'étudiants boursiers partis pendant le gouvernement du Président Salvador Allende à Cuba, pour faire leurs études de médecine.

Le sanglant coup d'État de Pinochet du 11 septembre 1973 au Chili, fomenté par la droite conservatrice et soutenu en sous-main par les États unis, a surpris ces jeunes étudiants loin de chez eux et a bouleversé radicalement leurs vies.

Affiche du Front sandiniste de libération nationale du Nicaragua
(FSLN), la guérilla de gauche qu’en 1979 a renversé la tyrannie
des Somoza au Nicaragua, et défié ainsi l’hégémonie historique
des Etats-Unis en Amérique centrale.

Pedro Marín Hernández a pris alors la décision de devenir médecin militaire, et de contribuer ainsi au combat contre le régime terroriste qui ravageait le Chili. Il s’est fait chirurgien militaire à l’école de médecine et dans les hôpitaux de La Havane.

Au début de la décennie des 80, dans les premières années de la révolution au Nicaragua, le docteur Pedro Marín Hernández a eu une participation remarquable aux côtés de l'Armée Populaire Sandiniste dans la région de la côte Atlantique.

Très largement reconnu par ses camarades d’armes, son engagement lui a valu la médaille « Honneur au Mérite Militaire Soldat de la Patrie », et lors des cérémonies du 30ème anniversaire de la Révolution Populaire Sandiniste, cette médaille lui a été remise —ainsi qu’à des nombreux anciens internationalistes chiliens—, par le chef de l'Armée du Nicaragua.

En pleine dictature, au début 1985, le docteur Pedro Marín est entré au Chili clandestinement pour intégrer le Front Patriotique Manuel Rodríguez*, l’audacieux mouvement politique-militaire qui depuis 1983 a affronté la sanglante dictature de Pinochet. Accusé d'organiser une clinique clandestine du Fpmr, antenne médicale de support à l'attentat à Pinochet —l'action qui a failli coûter la vie au tyran le 7 septembre 1986, le docteur Pedro Marín a été arrêté en janvier 1987.

Il a été longtemps mis au secret et sauvagement torturé par les sbires de la CNI, puis jeté en prison par le juge militaire en charge de la répression des opposants. Le docteur Pedro Marín a continué la résistance derrière les barrots, et avec ses camarades, a pris part à des nombreuses mobilisations et des grèves de la faim des prisonniers politiques.

Le Front Patriotique Manuel Rodríguez a tenu tête à
la dictature de Pinochet depuis le 14 décembre 1983.
En janvier 1990, il s’échappe par le tunnel creusé sous la prison par les rodriguistes. Quarante neuf prisonniers politiques se sont ainsi évadés le 29 janvier 1990, mais le docteur Pedro Marín est capturé le 30 janvier et reconduit en prison.

Il avait recouvré finalement sa liberté et s’était installé à Antofagasta, ville du nord du Chili où il était chirurgien de l'hôpital local et professeur à l'université. Il exerçait aussi la médecine très près des communautés pauvres et des coopératives de pêcheurs.

Le docteur Pedro Marín est capturé par la Gendarmerie nationale chilienne, au lendemain de la « grande évasion » de 49 prisonniers politiques du Front Patriotique Manuel Rodríguez de la prison de Santiago, le 29 janvier 1990.

Le départ soudain du docteur Pedro Marín laisse un énorme vide parmi ses nombreux collègues médecins formés à Cuba, parmi les Sandinistes et les colonnes d’anciens combattants internationalistes de Nicaragua, et aussi parmi ses camarades de la longue lutte contre la dictature au Chili, notamment les anciens militants du Front Patriotique Manuel Rodríguez.


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* Le Front Patriotique Manuel Rodríguez, mouvement politique-militaire de gauche proche du Parti communiste, fondé le 14 décembre 1983 au Chili pour résister à la longue dictature du général Pinochet. Il a pris son nom d’un jeune avocat patriote, héros de la guerre d’indépendance contre l’Espagne, homme politique et guérillero tué en 1818.

Le Fpmr a été constitué de plusieurs centaines de jeunes cadres militaires formés à Cuba et dans les anciens pays socialistes. Parmi ces officiers, plusieurs ont eu une expérience de combat réussie et une participation décisive dans les batailles de libération du Nicaragua contre la dynastie des Somoza, en fin des 70 et début des 80, notamment sur le front Sud.

Au Chili, le Fpmr est à l’origine de nombreuses et efficaces actions de propagande armée et de déstabilisation contre la dictature, où il a fait preuve d’un très grand professionnalisme et d’une audace démesurée. Il a notamment failli liquider le tyran Pinochet en septembre 1986.

La plupart des dirigeants du Fpmr ont connu la torture et la prison sous la dictature, d’autres ont été tués par la police politique ou partis en exil. Considéré l'aile militaire du Parti communiste chilien, il a pris ses distances du Pc vers la fin des années 80. Un des traits fondamentaux du « Rodriguisme » a été d'incarner une alternative de dignité pour les chiliens, soumis
pendant des années aux cruelles exactions de la dictature, impunément et sans contrepoids. Les « Rodriguistes » subsistent actuellement comme un mouvement politique modeste, près des mobilisations sociales des jeunes et des travailleurs.